lundi 20 février 2012

Love Letter


Je tiens une courte lettre à la main
Une demande, un plaidoyer, une prière
Le cri de mon cœur qui la réespère
Qui ne peut pas supporter que ce soit la fin

J’embrasse l’enveloppe avec espoir
Mes lèvres caressent son joli nom
Si peu de mots pour en dire si long
Alors que se gonfle dans la nuit le ciel noir

Douce missive,
Va la quérir
Douce missive,
Va le lui dire 

Soudain souffle et m’ébranle un triste vent
Qu’une poignée de mots pour tout changer
Je l’aime et pour toujours je l’aimerai
Même si le ciel m’inonde de ses tourments 

« Ce que j’ai dit je ne le pensais pas vraiment
C’est une erreur je ne le pensais pas vraiment
Je te jure je ne le pensais pas vraiment
            C’est sorti, n’importe comment »

Douce missive,
Va le lui dire
Douce missive,
Va la quérir

Que tes baisers pleuvent sur moi
Oui, qu’ils pleuvent comme un orage
Je te vois t’approcher comme un mirage
J’hallucine c’est faux ce n’est pas toi 

Où suis-je que fais-je je perds l’esprit
Debout sous cette pluie et ce tonnerre
Dans mes mains une lettre, dans mon cœur une prière
            Murmurée dans la pluie…

… Reviens.

Une nouvelle traduction, que je devrais plutôt appeler « interprétation ». Cette fois-ci, c’est à la poésie de Nick Cave que je m’attaque, avec sa pièce Love Letter. Je reprends cette fois-ci uniquement le propos, me distançant tant de la rime que du rythme de l’original. Celui-ci étant une chanson, j’en fais un poème, qui permet moins de liberté avec la métrique (car en chantant on peut toujours allonger les sons, ou les raccourcir). Et je découvre par la même occasion à quel point il est intéressant de faire cet exercice, pas uniquement comme activité d’écriture, mais aussi pour comprendre, ou s’approprier, une pièce. 

La chanson de Nick Cave semble plutôt évidente, de premier niveau : un homme a écrit une lettre à sa bien-aimée qui l’a quitté, et est sur le point d’aller la poster. Cette lettre serait l’espoir qu’elle revienne. À travers cela, on trouve quelques références au temps qu’il fait, qui s’annonce mauvais, et que j’avais toujours comprises simplement comme un décor lors de mes écoutes distraites. Et puis, à l’écriture de ma version, j’ai été confronté à ces vers de la dernière strophe (en fait, ces lignes du dernier couplet…) :  

And for all who’ll come before me
In your slowly fading forms
I’m going out of my mind
Will leave me standing in
The rain with a letter and a prayer 

J’ai soudain réalisé (peut-être à tort) que cet homme attend sous la pluie, et qu’il reste seul, que sa lettre est restée, well, lettre morte. En fait, qu’il ne l’a pas même postée. En première écriture, j’en ai sorti mes deux dernières strophes, dont la forme visait à illustrer une folie, et une panique en prenant conscience de cette folie, qui envahit le narrateur. Il voit la pluie comme la douce caresse de son amour, qu’il voit s’approcher dans la nuit, avant de prendre conscience qu’il est toujours là, toujours avec sa lettre.  

En deuxième écriture, j’ai réinterprété le sens que je donnais aux détails météorologiques. Dès le départ, l’homme sait que sa lettre sera inutile, mais il espère tout de même. Le ciel qui se gonfle, c’est le malheur qui s’annonce. Le vent qui ébranle, c’est le doute qui s’installe, mais tant pis il accepte déjà d’accepter la souffrance du refus. Puis, il se relit. Cette excuse qui se répète – il faut entendre Nick Cave répéter sa phrase Said something I did not mean to say en ne changeant que l’intonation de certains mots, comme si c’était trois arguments différents (à 2:04 dans le lien)– c’est l’excuse éternelle du regret, d’avoir fait ou dit quelque chose qu’il ne fallait pas. Le narrateur réalise que ce n’est pas suffisant, que ça ne peut plus être suffisant. Sous la pluie, il rêve que d’une façon magique tout est revenu comme avant, puis réalise qu’il est toujours là, dans la rue, sous la pluie, sans plus de raison. 

L’avant-dernier vers de la dernière strophe ne respecte plus du tout la métrique du reste du poème – le narrateur a abandonné, il n’essaie plus. Un dernier soupir, et puis il retourne chez lui, abandonnant à la tempête sa lettre.

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